Le Burkina Faso connaît depuis 2015 les affres du terrorisme qui laisse un pays autrefois havre de paix, exsangue, pauvre, en mal d'éducation et en crise pour les décennies à venir.
Il y eut plusieurs coups d'Etat, l'armée française fut chassée, des mercenaires russes embauchés, la devise nationale changée, l'homosexualité criminalisée, des médias muselés, des "traîtres" abattus froidement et jetés aux abords des routes, les chapelles, les mosquées et les cases des marabouts furent visitées... Rien n'y fait !
Le massacre perpétré à Barsalogho le 24 août 2024, avec au moins 200 morts et autant de blessés, sa couverture passionnée ou indifférente sur les réseaux sociaux, les médias, ainsi que la réaction du gouvernement ont révélé les plus profondes blessures de notre belle nation.
Mon constat c'est que nous sommes tous blessés à tel point que personne ne semble capable de comprendre les blessures de l'autre car les siennes l'aveuglent.
Nos autorités sont de grands blessés qui ont pris le pouvoir dans l'espoir de guérir ; mais trop absorbées par la douleur de leurs plaies, elles ne voient pas celles des autres.
Les soutiens absolus du pouvoir, grands blessés des pouvoirs passés, ne sont pas assez guéris pour comprendre les blessures de ceux qui le critiquent, à tort ou à raison.
Les adversaires les plus virulents du pouvoir essaient de panser leurs plaies en oubliant celles des autres qui trouvent en ce même pouvoir, leur apaisement si provisoire soit-il.
L'armée déborde de grands blessés, au propre comme au figuré, meurtris par des décisions hasardeuses qui cachent à leurs yeux des vies blessées à protéger.
Même les terroristes et leurs complices sont de grands blessés : il faut être sacrément blessé pour fouler au pied la vie d'un innocent qui meurt sans savoir pourquoi.
À côté de ces grands blessés gémissent celles et ceux qui ont peur de parler, peur d'écrire, peur de chanter, peur de danser et renoncent à toute forme d'expression cathartique.
Toutes ces peurs, ces silences, ces mots contre, ces mots pour, continuent de nous blesser. Ils tuent en nous ce qu'il y a d'essentiel : notre humanité et notre capacité à ressentir, pour pleurer, les blessures d'autrui.
Famille par famille, métier par métier, village par village, ethnie par ethnie, religion par religion, tout est gangrené par la même immense plaie sous-régionale.
Il est temps de nous panser les plaies les uns les autres dans un dialogue inédit et, collectivement, dans un travail de mémoire.
Car une chose est sûre : la solution ne viendra jamais du feu des drones, des balles vengeresses ni des murs des prisons, mais de nos langues qui se délient pour purger ce feu qui nous consume tous.